Le syndicat forestier
Publié le 12 octobre 2016 - Dernière modification le 12 octobre 2016.Tout d’un coup ! un cri : « Watch out » !
T’arrêtais… une couple de secondes
après t’entendais craquer l’arbre dans la natche,
pis boum ! l’épinette était sur le côté.
Moi, Ovide Leblanc, j’ai pour mon dire
Bertrand B. Leblanc
Le syndicat forestier est fondé en 1947. Il trouve son origine dans un mouvement de réappropriation de la forêt commencé une dizaine d’années plus tôt à Grande-Vallée, à l’initiative d’Esdras Minville. En 1943, un syndicat est d’abord créé à Madeleine pour l’ensemble de la municipalité; sa mise sur pied est activement soutenue par le curé Vaillancourt, qui accompagne ensuite l’émergence de celui de Manche-d’Épée. Plus tard, en 1952, Rivière-Madeleine se donnera le sien à son tour. Sur la lancée de son chantier inaugural au Premier lac, le syndicat local organise pendant 23 ans des « bûchés » aux noms imagés dans des coulées et autour des lacs de l’arrière-pays. Puis, dans les années 1960, les activités ralentissent au point où l’on se voit contraint à la fermeture, en 1970.
La grande idée
Esdras Minville est un économiste, originaire de Grande-Vallée, qui dirige l’École des hautes études commerciales (HEC) de Montréal de 1938 à 1962. Jamais loin en pensée de sa région, il en arrive à la conclusion que la domination de l’exploitation des ressources par les riches propriétaires des « seigneuries » et des grandes entreprises entraîne l’appauvrissement de la population et la pousse à l’exode. Minville analysait que, étant donné, d’une part, la situation géographique de la Gaspésie, dépourvue de véritable marché local et éloignée des grands marchés, et, d’autre part, la relative rareté des bonnes terres cultivables, les difficultés de la pêche et de façon générale le caractère saisonnier des trois exploitations de base de la région (forêt, pêche, agriculture), il fallait se tourner vers une exploitation coordonnée de ces ressources1 .
Pour arrimer les trois activités et procurer du travail à longueur d’année, on a besoin, selon lui, de changer l’ordre des choses en instaurant une nouvelle gestion des opérations tout en modifiant le régime forestier. En 1937, proche du gouvernement Duplessis, il obtient qu’un accord soit signé entre la Brown, qui détient des droits de coupe sur la vaste majorité des forêts de Gaspé-Nord, et l’État afin d’échanger ceux de Grande-Vallée contre des terres publiques en Mauricie. D’autres échanges de droits de coupe viendront plus tard. À terme, l’objectif de Minville est de mettre sur pied une énergique politique de restauration rurale2 .
Pour aller à l’essentiel, disons que le projet conduit à la création d’une coopérative qui a pour mission la gestion intégrée des ressources de la colonie de Grande-Vallée, que Ferron le médecin-écrivain appellera aussi « la vallée d’Esdras ». Pour bien saisir la portée de cette initiative et le rapport de force qu’elle engendre avec les grandes entreprises, rappelons que le projet-pilote de Grande-Vallée est la première tentative d’exploitation coopérative de la forêt au Québec3 . De nombreuses coopératives voient par la suite le jour en Gaspésie et dans d’autres régions comme l’Abitibi et le Saguenay-Lac-Saint-Jean; plusieurs sont encore en activité aujourd’hui, dont celles de la Baie-des-Chaleurs. La Société agricole forestière de Grande-Vallée est fondée le 1er août 1938.
Le syndicat forestier de Madeleine
Pour s’expliquer comment un syndicat voit le jour à Manche-d’Épée, il est utile de rappeler le contexte entourant la création de celui de Madeleine. Si le mérite de la conception du projet de Grande-Vallée revient largement à Esdras Minville, il ne faut pas négliger la contribution offerte par le curé Alexis Bujold. Travaillant de près avec son confrère et voisin grande-valléen, Raoul Vaillancourt, curé de Madeleine, devient à son tour l’animateur d’un projet comparable, mais axé uniquement sur la forêt.
Pour élargir quelque peu la perspective, rappelons les vastes projets forestiers qui ont connu des fins abruptes dans la municipalité : de 1872 à 1876, on assiste à la coupe intensive des boisés aux alentours du lac au Diable par la compagnie d’Édouard Vachon, qui s’arrête sans préavis et laisse des centaines d’hommes en plan; l’échec de la papetière du Grand-Sault, entre 1917 et 1929, source d’une profonde déception; l’abandon du projet de colonie agroforestière par un groupe de braves familles (sur les territoires bûchés par Vachon), entre 1933 et 1940, appelée la colonie du lac au Diable. Il y a un passif accumulé au moment de démarrer une autre opération.
Tout comme à Grande-Vallée, c’est la Brown Corporation qui a acquis les droits de coupe sur les cantons Denoue et Taschereau. Autrement dit, sur la grande majorité du territoire et pour la plus grande partie du temps, les forêts sont « fermées » aux populations, celles-ci devant se contenter des ressources de la mer. La précarité de l’industrie de la pêche et le fait qu’elle ne permet pas aux jeunes de s’établir ni d’assurer un développement durable plongent la région dans une situation de misère4 . Cela n’est pas nouveau, puisque déjà en 1835, le Parti patriote s’en prend aux monopoles accordés sur les terres de la Couronne aux compagnies de bois et aux spéculateurs anglais qui discriminent systématiquement les colons franco-catholiques5 , prise de position qui correspond bien aux valeurs défendues par Minville.
Le curé Vaillancourt est un animateur social : il mit tant d’efforts à assurer les concessions forestières requises et à obtenir des octrois gouvernementaux que certaines gens furent tentées de lui accorder tout le mérite de cette réalisation6 . Peut-être avait-il bien saisi l’intention de Minville qui se traduirait sans doute aujourd’hui par les termes plus modernes de « foresterie sociale durable »7 .
Un rapport circonstancié du secrétaire-gérant, Cyrille Bond, cité par l’abbé Plamondon, nous confirme l’influence des succès obtenus à Grande-Vallée sur l’idée d’organiser un syndicat à Madeleine. Il nous apprend aussi qu’il a fallu qu’une loi soit adoptée, en juin 1943, pour que la Brown échange des limites de bois inexploitées depuis près de vingt-cinq ans (…) avant qu’on nous donne la permission d’entrer dans la forêt8 .
Une première réunion a lieu à la salle paroissiale, le 11 juillet 1943, où l’on décide de former un syndicat. L’assemblée de fondation se tient, quant à elle, le 25 août, au cours de laquelle 36 membres s’engagent en souscrivant une part sociale de 50 $ sur cinq ans. Un mois plus tard, le 26 septembre, 20 nouveaux membres s’ajoutent. Le travail débute le 22 octobre. À la fin de la première année, il y a 92 membres qui font l’abattage et le charroyage du bois, la réfection des chemins, la cuisine, etc. Si toutes ces opérations sont sous le contrôle du syndicat, le sciage, pourtant stratégique, est cependant donné par contrat à la Brown. En 1945, le chantier s’installe au lac à Jimmy où le syndicat décide de construire son propre moulin à scie et ses camps. On ajoute un « planeur », et cet équipement, moyennant rémunération, peut être utilisé à des fins domestiques par les membres. C’est d’ailleurs là que mon père a équarri le bois qui allait servir à la construction de la maison familiale.
En 1946, un tracteur à chenilles est acheté pour effectuer le halage des billots vers le moulin et le transport du bois scié vers la mer.
Le syndicat de Manche-d’Épée
Entre 1940 et 1946, encouragés par l’élan venu de Grande-Vallée, douze villages vont créer leur syndicat forestier dans Gaspé-Nord. Le but étant de laisser aux travailleurs une part d’initiative et de responsabilité dans la gestion de la forêt9 , la nouvelle manière rompt radicalement avec la dépendance traditionnelle envers les grandes compagnies. Elle demande aussi un apprentissage de la gestion collective. Comme l’entreprise appartient à chacun de ses membres, que celui-ci (…) se sent personnellement intéressé à ce que la forêt représente dans son économie individuelle, pour son village, sa région (…)10 , il est logique de penser qu’un tel désir d’autodétermination a conforté l’idée de fonder un syndicat à Manche-d’Épée. Une volonté de se prendre en main qui a aussi pu se nourrir d’une divergence de vues avec le syndicat existant sur la manière de mener les affaires. À plusieurs endroits, les curés deviennent des animateurs, mais aussi des modérateurs pour s’assurer que tout se déroule équitablement. Nous avons vu que Raoul Vaillancourt a su déborder de sa fonction pastorale pour s’engager sur le plan économique : il s’occupe de la mise sur pied des syndicats forestiers, en particulier de ceux de Madeleine, de Manche-d’Épée et de Gros-Morne11 . Comme son départ de la paroisse a lieu à la fin juillet 1947, tout laisse croire qu’il a eu le temps d’installer celui du village avant cette date. Peu de renseignements subsistent et peu de témoins sont encore là pour en parler.
Un des rôles dévolus à l’assemblée générale est de procéder à l’élection du président, du gérant et des directeurs. Le premier président élu se nomme Ovias Boucher, fils d’Alfred Boucher et de Rose-de-Lima Pelchat. Afin de mettre en évidence le fait que cet homme incarne (comme son frère Amédée de la neigère) la descendance de quatre des familles fondatrices, notons qu’Ovias est le petit-fils d’Eugène Boucher (arrivé au village au début des années 1870) et de Malvina Fournier, du côté paternel, et que ses grands-parents maternels sont Louis Pelchat et Geneviève Campion.
Le premier gérant élu est Isidore Pelchat, fils d’Euloge et de Marie Bernatchez, une sage-femme réputée. Le père d’Euloge, Antoine-Urosse, est le benjamin de la famille du fondateur, Irénée Pelchat. Pour le plaisir de la généalogie, encore une fois, soulignons qu’Isidore est marié à Alice-Georgianna, fille d’Alfred Boucher et de Rose-de-Lima Pelchat, sœur d’Ovias; les beaux-frères Ovias et Isidore sont nés en 1907. Toute l’histoire du village repose sur de pareils entrecroisements de liens familiaux.
Selon la mission qui lui incombe, le syndicat organise le chantier annuel, détermine les lieux de coupe, voit à la construction des camps, de la cuisine (couquerie) et des écuries. Chaque équipe, composée en général de deux bûcherons et d’un charretier, est responsable de se procurer son cheval et ses outils (hache, sciotte, crochet, etc.). Le syndicat négocie les contrats de vente de bois avec les compagnies. Par exemple, en 1949, aux réserves déjà accordées aux syndicats forestiers, le gouvernement québécois ajoute une réserve spéciale, appelée Madeleine-Mont-Louis. Résultat d’un échange de concessions avec la Brown Corporation, cette réserve, mesurant 660 km², sera exploitée, dans les années 50, par six syndicats coopératifs du comté de Gaspé-Nord. En 1958, la Gaspésie compte dix-sept colonies forestières. Environ 700 travailleurs participent aux différentes opérations. Les principaux acheteurs de bois sont les entreprises Couturier de Marsoui et Richardson de Cap-Chat12 . Manche-d’Épée fait peu affaire avec Couturier : le bois dit « de pulpe » (bois pour papier) est vendu à la St-Lawrence Paper Mills, fondée à Trois-Rivières, en 1920, devenue Kruger depuis, alors que les billots vont à la scierie de Rock Fournier de Gros-Morne, qui revend le bois scié à la Richardson, ce qui laisse une marge de négociation plutôt restreinte aux responsables locaux.
Les affaires administratives du syndicat, vérification et bilan annuel, sont confiées à la Fédération des syndicats coopératifs qui, au début, délègue monsieur André Bernier de Québec.
L’évolution des opérations pendant l’existence du syndicat se divise en deux périodes déterminées sur la base des saisons de coupe, de la modernisation des outils, des modes de transport et de l’organisation du chantier.
Première période
Certaines des règles établies à Grande-Vallée pour favoriser la complémentarité entre la pêche, l’agriculture et la forêt sont reproduites ici, dont la coupe du bois en hiver. Au cours des quinze premières années environ, les chantiers ont lieu entre novembre et mars. À cette époque, il y a un seul camp d’habitation et une cuisine commune pour les hommes, et une écurie pour tous les chevaux. On se souvient que les cuisiniers sont Ovias Boucher et Antoine Bernatchez. Onil et Cyrilla Fournier occupent le poste pendant un hiver.
Le cheval est alors le moyen privilégié « pour monter dans le bois »; on fait aussi appel aux propriétaires d’autoneiges, Salomon Fournier et Sylvio Boucher, pour le transport des équipes. Il arrive que Fernand Fournier se joigne à eux. Sauf des « jeunesses » qui restent dans le bois pour nourrir les chevaux, les hommes reviennent à la maison les fins de semaine. Cependant, tout le monde descend à la mer pour le temps des Fêtes.
Avant toute chose, le bûcheron se munit d’une hache, d’un crochet (dont l’arc d’ouverture fait environ 15 cm [6 pouces]), d’un levier à grume ou billot (composé d’un manche de 1,30 m [50 pouces], d’une pointe en métal et d’un crochet mobile) que nous appelons « candoye », tiré de l’anglais « cant-hook » qui se traduit par tourne-bille, et d’une sciotte (composée d’un tube de métal courbé et d’une lame de 1,20 m [48 pouces] de longueur) pour laquelle nous disons « un » sciotte. Dans les premiers temps du syndicat, on bûche du bois dit « de pulpe » avant de passer aux billots13 .
D’autres outils de travail font progressivement leur apparition. Par exemple, vers le milieu des années 1950, la scie mécanique remplace la sciotte.
Des changements s’opèrent aussi à un moment donné dans l’aménagement des installations : on délaisse les espaces communs et chaque équipe se charge de son propre camp, de son écurie et de sa nourriture. On dit alors qu’on va se « batcher » (possiblement tiré de l’anglais « batching » dans le sens de « groupage »). La coopération a beau être le modèle le mieux adapté à une gestion collective des ressources, il ne faut pas non plus tomber dans l’angélisme. Ces changements sont bien le signe de désaccords entre les membres. Comme l’écrit Arthur Buies, parlant de la Gaspésie, on dirait que l’homme est arrivé sur cette terre comme une paille emportée par le vent (…) on sent que les hommes y ont l’habitude de vivre séparés; aussi sont-ils défiants les uns des autres14 . Pour l’inspirateur de cette chance inouïe que représente l’autodétermination dans l’exploitation des ressources, Esdras Minville, la population gaspésienne a organisé son travail sous l’empire d’un individualisme poussé à l’extrême15 .
Quoi qu’il en soit, en 1958, le syndicat se compose de 48 membres et le nombre de travailleurs s’établit à 2816 , ce qui représente un fort pourcentage de la main-d’œuvre locale.
Seconde période
Dans la seconde période d’existence du syndicat, le travail en forêt se déroule entre juin et novembre. Le transport des hommes s’effectue en voiture à cheval au début de l’été, puis en camionnette et même en coccinelle, la voiture passe-partout de Volkswagen. On rentre à la maison tous les soirs.
En 1962, l’assemblée générale élit Anicet Boucher à la présidence et Adélard Blanchette (deux propriétaires successifs de coccinelles) au poste de gérant. Tous deux sont membres de longue date. Au gré d’un petit détour généalogique, remarquons qu’Anicet est issu de la famille d’Anthime Boucher, qui s’installe à Manche-d’Épée vers 1875-1880. Il construit sa maison près de la route de la Rivière, et la lègue un jour à son fils Arthur. Anthime se marie à Vitaline Gagnon, en 1871, et une bonne partie de leur descendance s’installe au village. Il y aura lieu de revenir plus longuement sur les généalogies un jour.
Lors de cette élection, Adélard Blanchette prend la relève de son frère Germain qui était gérant depuis 1958. Il faut souligner que Germain et Adélard sont les petits-fils de Marcellin dont le père, Édouard, arrive à Manche-d’Épée en 1880. Il rachète la maison d’Eugène Boucher, le grand-père d’Ovias. Rappelons ici qu’Eugène et Anthime sont des frères.
Toujours est-il que le travail forestier se poursuit selon un nouveau mode de fonctionnement. Durant cette seconde période, on bûche des billots qui sont halés par des chevaux pour les déposer le long des chemins sur des « rools », soit des empilements où les camions vont éventuellement les prendre pour les transporter à la scierie. Les billots sont, le plus souvent, enchaînés par deux ou trois pour les « skider » (sans doute de l’anglais « to skid », faire glisser) derrière le cheval attelé de traits de cuir terminés par des chaînes retenant un bacul sur lequel est fixé un crochet pivotant où s’attache l’autre chaîne qui retient le bois. Quant aux camions, ils possèdent une sorte de ridelle ou châssis mobile sur le côté, que l’on abaisse afin d’y déposer, à son extrémité, un ou quelques billots selon leur grosseur; quand on remonte ce mécanisme, le bois est soulevé et vient tomber sur le chargement dans le sens de la longueur du camion. Tous les garçons qui veulent imiter les grands se bricolent des camions-jouets semblables aux vrais. Les camionneurs sont Émilien Fournier et Armand Blanchette, le frère d’Adélard et de Germain, ainsi que Roger Boucher, avec le camion de son père Amédée, frère aîné d’Ovias.
Depuis les débuts du syndicat, on compte toujours sur les services d’un mesureur qui passe le long des chemins de halage pour effectuer un relevé des quantités de bois abattues par les bûcherons. Quand il s’agit de bois dit « de pulpe », le volume légal de la corde est fixé à 128 pieds cubes apparents (3,6 mètres cubes); les billots, eux, ont 16 pieds (5 mètres) de longueur, avec un minimum de 10 pouces (25 cm) au gros bout et de quatre pouces (10 cm) au petit. Puis, selon la longueur des arbres, les standards sont de 12 pieds (4 mètres) ou encore de 8 pieds (2 mètres et demi). Comme le bois est mesuré au petit bout, le bûcheron est payé en conséquence. Le gagnant, c’est facile à trouver, c’est l’acheteur.
Le mesureur a reçu une formation et détient un permis du gouvernement. Il rend compte de son travail en remettant à chaque bûcheron un relevé de la quantité de bois qui lui appartient et qui se traduira en revenus pour lui et pour le camionneur. Les trois mesureurs du syndicat sont, successivement, Paul-Aimée et Jean-Marc Gaumond, puis finalement Marcel Boucher.
La fin arrive
En 1970, la vie du syndicat tire à sa fin. Israël Fournier est élu à la présidence et il a au bout du compte pour tâche de fermer les livres. Plusieurs membres ont déjà trouvé du travail ailleurs et peu nombreux sont les jeunes, dont j’étais, qui envisagent de prendre la relève. De nouvelles façons d’exploiter la forêt s’annoncent, les machineries sont maintenant en mesure de remplacer les hommes et les chevaux.
Une dernière digression généalogique offre l’occasion de dire qu’Israël est le fils d’Édouard, de la famille d’Eugène, et par conséquent descendant de Florent Fournier, l’un des fondateurs. Bref, il est amusant de noter que ce sont des descendants de familles de pionniers qui ont conduit les destinées du syndicat.
L’attrait en matière d’embauche, en 1970, à Manche-d’Épée comme partout dans Gaspé-Nord, se situe désormais en un endroit bien précis : la mine de cuivre de Murdochville qui offre des emplois annuels et des salaires conséquents. Cet engouement disqualifie le métier de bûcheron et emporte les syndicats forestiers sur son passage, ce qui met aussi fin à 23 années d’une manière exigeante de concevoir et d’exécuter le travail en étant son propre patron, mais en subissant malgré tout les fluctuations d’un marché du bois qui échappe à la logique coopérative.
Ce n’était pas une vie facile que celle au chantier, en particulier l’hiver; il y aurait encore beaucoup à écrire sur la construction des camps, la préparation des chemins, le travail quotidien, que l’on disait d’une noirceur à l’autre, la cuisine et l’alimentation, la vie de tous les jours agrémentée par les exploits des joueurs de tours, les divertissements, la tenue vestimentaire, l’hygiène, les dimanches, les congés à la mer, la maladie, les blessures, les chevaux, les bûchés et leur toponymie variée, et bien d’autres anecdotes. Décrire cette vie, ce serait comme écrire un chapitre de la biographie de mon père et de plusieurs hommes du village.
Remerciements
Je remercie Lauraine Bernier pour sa collaboration à la recherche, Ernest Boucher, Florence Pelchat et Thérèse Bond pour leur contribution, ainsi que Blandine Mercier pour ses démarches.
Je remercie Marlène Clavette pour la révision de texte.
Notes et références
1. Dominique Foisy-Geoffroy (2004), Esdras Minville, Nationalisme économique et catholicisme social au Québec durant l’entre-deux-guerres, Québec, Septentrion, p.145-146.
2. Op. cit., p. 149
3. Marc Desjardins, Yves Frenette, Jules Bélanger et Bernard Hétu (1999), Histoire de la Gaspésie, Sainte-Foy, PUL/IQRC, p. 603.
4. René Blais (1999), « Développement durable et approche sociale en foresterie : retour sur le discours d’Esdras Minville » dans Recherches sociographiques, vol. 40, n° 2, p. 235 (Consulté le 8 avril 2016 http://id.erudit.org/iderudit/057277ar)
5. Gilles Laporte (2015), Brève histoire des patriotes, Québec, Septentrion, p. 288.
6. Marcel Plamondon (1980), Notes historiques sur la paroisse de Madeleine, Madeleine, p. 105
7. René Blais, op. cit., p. 234.
8. Marcel Plamondon, op.cit. La suite de ce chapitre est tirée du rapport de Cyrille Bond cité par l’auteur.
9. René Blais, op. cit., p. 235.
10. Ibid., p. 23
11. Marcel Plamondon, op. cit., p. 70.
12. Marc Desjardins, Yves Frenette, Jules Bélanger et Bernard Hétu, op. cit., p. 603.
13. Pour la description des outils et de l’organisation des chantiers, j’ai aussi consulté : Louise Proulx (1985), Les chantiers forestiers de la Rimouski (1930-1940), Rimouski, Les cahiers du GRIDEQ.
14. Arthur Buies cité par Jean-Marie Fallu (2010), « La Gaspésie d’appartenance » dans Magazine Gaspésie, Gaspé, 169, vol. 47, no 2, p. 25.
15. Ibid.
16. Marc Desjardins, Yves Frenette, Jules Bélanger et Bernard Hétu, op.cit., p. 604.
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